« Bordeaux-Paris c’est une aventure, un défi sportif, de l’émotion, de la fatigue, du bonheur, du partage .... »
Le rendez-vous est donné à Bordeaux Le Jeudi 29 mai. Les coureurs de la team Paul accompagné de Laetitia et Céline qui s'occupent de la logistique du départ (et porteront nos sacs !!!) se retrouvent autour d'un diner avant une courte nuit pour prendre le départ à 6:00am. L' ambiance est très détendue, les vélos sont prêts et les coureurs aussi.
Le départ se fait au petit matin à bonne allure. Nous traversons un pont avec une magnifique vue sur la dordogne et quelque petits villages. Nous suivons des pelotons jusqu'au premier point de ravitaillement (74km) à la Roche Chalais en Dordogne. Nous faisons quelques étirements, mangeons un peu et passons en tenue d'été car nous avons un temps magnifique, quelle chance !
La difficulté du parcours augmente et nous allons affronter beaucoup de dénivelé en forme de montagnes russes. Il n’y a plus de peloton à accrocher, les premiers écarts se forment dans le groupe de la team Paul mais nous nous attendons au 2ème point de contrôle, à Montbron (Charente) km 153. Le ravitaillement est très médiocre, cacahuètes et TUC pour la partie salé. Il est évident qu’il faut trouver autre chose à manger. J-C trouve un resto où nous pouvons avaler un plat de pâtes, qui fait du bien ! Miki souffre du dos depuis un bon moment et nous repartons après la traditionnelle séance d’étirements.
Les dénivelés s’enchainent, il faut puiser dans les forces et boire souvent. La team est maintenant séparé en plusieurs blocs. Arnaud, Johan et J-C, les amateurs de la grimpe sont devant. Daniel et Gaby roulent ensemble à leur rythme et sont rejoint quelques fois par Teddy qui peine dans les côtes avec son vélo couché. Miki continu la bataille seul à l’arrière, à son rythme, en gérant son mal de dos. Lors de la traversée des villages les gens nous encouragent, c’est beau, ça fait plaisir et ça motive !
Une grosse averse s’invite au menu, mettre les vêtements de pluie ou pas, chacun fera selon son envie mais nous approchons la fin d’après-midi et ceux qui sont mouillés auront froid (hein Daniel !!)
Au 3ème point de contrôle, à L’isle jourdain (Vienne) km 230, la team décide de ne pas attendre Miki à ce point de contrôle. A l’évidence, la team n’arrive pas à trouver un rythme homogène qui convient à tous. Les uns s’épuisent en sous régime, les autres en sur régime pour raccrocher les wagons. Il reste presque 400km et il est important de gérer ses forces et son rythme. Johan et Arnaud partent devant, Teddy prend la route seul, Gaby, Daniel et J-C décident de rouler ensemble. Heureuse surprise, Pierre, le grand-père de Paul nous attend à la sortie de l’Isle Jourdain pour nous encourager. Ça fait chaud au cœur de le voir et on en profite pour échanger quelques impressions. Il ira à la rencontre de Miki pour s’assurer qu’il va bien et viendra nous redonner de ses nouvelles.
Des côtes, encore des côtes, on a l’impression que c’est sans fin. Des coureurs nous informent que le tracé est beaucoup plus difficile cette année. En effet nous cumulerons 2600m de dénivelé sur les 200 premiers km sur un total de 3500m de dénivelé sur tout le parcours. A la traversée de Angles sur L’anglin, un des plus beaux villages de France à caractère médiéval, Teddy est rejoint par le trio Daniel,Gaby,J-C et ils arriveront ensemble au 4ème point de contrôle km 310 vers 22h10 , Martizay (Indre) devancé par Arnaud et Johan. C’est Pierre qui nous accueille, avec des sandwitch kefta frites. Pierre est notre ange gardien car vu l’heure tardive et la médiocrité des ravitaillements nous aurions mangé uniquement soupe tomate, cacahuètes et TUC pour la partie salé….Miki arrive !! Il a persévéré malgré la douleur et mérite amplement son sandwich, la douche froide et part se reposer sur un lit de camp avec les autres.
Il est minuit passé….
Samedi 31 mai
Martizay, le matin : on se réveille un peu dans le désordre, mais le plus étonnant c’est qu’en fait on a dormi ! Jicé et Daniel sont les derniers à émerger des lits de camp installés dans le dortoir de fortune où il reste peu de monde. Il n’est pourtant que 6h30, mais l’essentiel des groupes s’est déjà fait la malle. Parmi les plus téméraires du lot, partis en pleine nuit, Teddy a décidé de jouer les éclaireurs de la team Paul et de nous tracer le chemin avec quelques heures d’avance. On sait le sens du dépassement de soi qu’il met ainsi au service du projet en voulant tenir son engagement d’arriver à boucler l’affaire dès le samedi soir… au risque de se trouver un peu comme un cowboy solitaire dans les grandes plaines de la Beauce. Mais bon, on sait qu’il a la folie nécessaire pour réussir ce pari, alors on ne s’en fait pas trop pour lui !
Pour Teddy, la route de nuit est une aventure dans l’aventure, avec des traversées en solitaire sur des routes désertes, une nuit noire, un brouillard humide, le froid et l’arrêt obligatoire de récupération quand la fatigue est trop présente pour repartir 15 minutes après. Il arrivera au 5ème point de contrôle à l’aube, se reposera un peu et reprendra la route jusqu’à Auneau malgré une tendinite douloureuse, qui l'empêche d’appuyer trop fort sur les pédales et la longue traversée de la beauce en solitaire avec vent de face. 162km et 10h plus tard il arrive au dernier point de contrôle à Auneau.Après la pause réparatrice obligatoire, il finira les 54km du parcours dans les beaux paysages de la vallée de Chevreuse et ses bosses pour passer la ligne d'arrivée à 20:20 à St Quentin.
Du côté de Martizay on récupère Arnaud et Johan qui ont passé la nuit dans le préau semi-ouvert de l’école primaire voisine. La nuit a été un peu fraiche, mais au moins ils n’ont pas souffert de la proximité d’un bataillon de ronfleurs parmi lesquels miki était un client redouté !
Un pain au chocolat plus tard, englouti pour tout petit déjeuner, et après avoir regroupé dans un coin de la salle les sacs que doit récupérer Pierre en début de matinée, on part donc légers pour rallier le premier point d’étape à Romorantin situé 93 kms plus loin.
La mise en route est un peu délicate. Il faut dire que la journée de vendredi a bien entamé la résistance physique de tous, et la résistance de la peau de chacun de nos culs !
Durant les deux premières heures, on essaye de trouver le tempo qui pourrait convenir à tout le monde, mais l’épreuve est très rude pour Miki qui souffre le martyr entre un genou récalcitrant et une selle qui l’agresse ; au 30ème kilomètre il nous fait signe de ne pas l’attendre, et prend le parti d’essayer de rallier Romorantin à son rythme et tant que le mental le porte.
C’est un vrai crève-cœur de laisser à ce pari insensé, mais on file quand même, avec une boule au ventre de ne pas pouvoir l’aider plus….et en fait, c’est avec une forme de soulagement qu’une demi-heure plus tard on le voit à nouveau, installé à l’avant de la voiture assistance de Pierre : pour cette journée son calvaire est fini, et l’ultrarando mise entre parenthèses. On se chambre mutuellement, comme des grands gosses, histoire d’avaler la pilule, mais en vérité, au-delà du renoncement factuel qu’il a du mal à digérer, c’est plutôt un sentiment de « total respect » qu’on lui adresse : qui de nous aurait pu se farcir la dose de souffrance de la veille à la hauteur de ce qu’il a surmonté ? Bref, Miki rejoint l’équipe d’assistance, et on resserre les rangs pour rallier Romorantin.
Quand on y arrive, on a enfin la bonne surprise d’y découvrir un ravitaillement un peu plus étoffé que les précédents ; il y a toujours des cacahuètes et des tuc…mais aussi des sandwiches au jambon et au saucisson ! Il fallait donc plus de 400 kms pour les mériter ? On continue donc de penser que c’est un peu (beaucoup) du foutage de gueule de la part des organisateurs… et du coup, les courses complémentaires que Pierre et Miki ont faites restent inutilisées (pour l’instant !).
On devise un peu avec une mamie cycliste de plus de 60 ans ( !!!) qui repart avant nous pour le 3ème tiers de la distance, et on fait la connaissance de khun, un allemand (ou pas loin) qui nous demande si on accepterait qu’il nous suce un peu les roues, en tout bien tout honneur bien sûr, vu qu’il est tout seul à cet instant du périple !
« Natürlich » qu’on lui répond, et c’est donc en groupe de six qu’on se relance en direction de saint laurent des bois annoncé 68 kms plus loin.
Après un premier run d’une bonne heure, où jicé assure une grande partie du train, on se fait une petite halte au soleil sur la place d’une église où se sont installés Pierre et Miki pour nous acclamer au passage. On en profite un peu, au point de laisser rentrer dans le groupe deux nouveaux coureurs chaudement recommandés par une ravissante jeune femme qui fait leur assistance en camping-car.
C’est donc avec l’âme de véritables saint-bernard qu’on reprend la route, récupérant même au passage la mamie de romorantin qui a bien avancé et qui va accrocher les wagons jusqu’au ravitaillement.
Avant cela on recueille avec délectation les encouragements de Céline et Laëtitia, postées sur le bord de la route, qui nous reviennent toutes bronzées de leur journée de farniente à Royan. Ça nous met la banane, et même pour Gaby une pêche d’enfer, au point qu’il nous bricole une échappée à 3 kms de l’étape, histoire d’arriver en tête devant ce public féminin… Ça sert à rien Gaby, c’est pas le tour de France et nos hôtesses feront la bise à tous, et pas seulement au premier !
16h15, Saint Laurent des bois (km 472) : l’objectif minimum est tenu, et daniel est soulagé de se dire que la route est, à peu de chose près, terminée pour la journée… Il ne sait pas encore qu’Arnaud n’a pas lâché l’affaire pour aller le plus loin possible !
On prend quand même le temps, en étirements, ravitaillements, mais aussi séance d’ostéopathes pour Johan et Daniel, qui après les masseuses de Martizay, s’en remettent aux mains cette fois exclusivement masculines des pros de la manipulation, prouvant ainsi que ce sont bien les vertus thérapeutiques et réparatrices de ces professionnel(le)s qu’ils recherchent.
Johan en ressort avec un magnifique strapping au genou, qui lui fait bénir à postériori l’heureuse initiative d’un rasage intégral de jambes fait avant l’épreuve.
Pendant ce temps-là, Arnaud et jicé mettent au point la stratégie de fin de journée : reprendre la route pour environ 2 heures, voire jusqu’à la tombée de la nuit, afin de s’approcher le plus possible du dernier point de ravitaillement situé à Aunneau, 91 kms plus loin.
On se calcule qu’on devrait arriver à faire environ 50 kms, et que pour passer la nuit l’équipe d’assistance sera chargée de trouver un hôtel vers Chateaudun… l’affaire est vendue sans trop de brutalité, mais avec une forme de conviction inflexible qui nous fait donc réenfourcher les vélos vers 18h00, « délesté » de l’ami khun qui n’en pouvait plus de nous attendre, mais toujours accompagnés de nos copains du camping-car.
35 kms plus loin, on se fait un point téléphone avec l’équipe d’assistance : mauvaise nouvelle, il n’y a aucun hôtel pour la nuit à hauteur de Chateaudun. Alors, on décide de se faire un briefing dès qu’ils nous auront rejoint sur la route…ça commence à sentir grave la galère, mais c’est aussi ça l’aventure, non ?
Km 522, 20h00, quelque part dans la pampa : les naufragés du samedi soir tiennent donc conseil. Tout en engloutissant les restes de ravitaillement (briques de lait chocolatées, jus d’orange, tuc, pain, jambon fumé, bananes, …), on jauge les forces qu’il reste aux plus atteints, on échafaude les distances qu’on est encore capables de rouler, on envisage de se répartir dans le camping-car et les voitures pour dormir, bref, on fait le tour des possibles, en sachant qu’on est globalement plus tout à fait dans le raisonnable. En particulier, Daniel est livide, « emmerdé » par une épaule qui encaisse mal les vibrations de routes granulées, et donc touché au moral … On prend le temps de récupérer, de lui prodiguer un peu de crème anti inflammatoire et antalgique, et il se refait un peu la cerise. Résultat : on décide de rouler jusqu’à Auneau, et l’équipe d’assistance de la team Paul fait le serment de trouver une solution de couchage sur le point de ravitaillement (au pire dans la salle !), ou à proximité.
C’est donc reparti, et on se décide à mettre en route un système de relais à 8, où chacun prendra sa part dans l’effort pour optimiser la vitesse de croisière. Maintenant qu’on a expliqué à Gaby comment prendre des relais efficaces, et qu’on a calmé jicé qui se sent toujours des jambes de feu, le travail collectif promet ; et d’ailleurs ça marche…sur une grosse demi-heure ! Jusqu’au moment où le genou de johan bloque un peu ; on relâche donc l’affaire, et deux comprimés effervescents plus tard, aimablement servis au bar du camping-car suiveur, on refait chauffer les manivelles avec Jicé en capitaine de route, et johan en animateur constant du moral des troupes.
C’est vers 22h30 qu’on atteint enfin Aunneau, avec une nouvelle fois, un nouveau numéro d’échappée à mettre à l’actif de Gaby, qui se fait la belle à 4 kms de l’arrivée pour arriver le premier au ravito !! On y arrive cependant tous quelques minutes après pour engranger toute la série de bonnes nouvelles : le ravitaillement est de qualité, l’équipe de bénévoles sur place est constitué d’une grande majorité de jolies jeunes filles et jeunes femmes, enjouées et sympathiques, l’équipe d’assistance a trouvé un hôtel à 25 bornes, on peut laisser nos vélos sur place…et l’arrivée n’est plus qu’à 55 kms !
Quelques regards complices et entendus s’échangent, dans lesquels les plus perspicaces pourraient lire : « 55 kms… et si on se les faisait dans la foulée ? », mais en réalité la vraie performance, partagée par tout le monde, c’est bien d’être arrivés ensemble à Aunneau, et de s’être donné la possibilité de finir en groupe dès la matinée de dimanche : un groupe étoffé par le retour de Miki, et la présence de Véronique, qui viendra spécialement pour le final.
Dimanche 1er juin :
Après une nuit au Novotel de Chartres (et oui, on ne se refuse rien), on rallie donc Aunneau pour reprendre la route à 9h00, avec Véronique qui est fidèle au rendez-vous fixé.
C’est en VTT qu’elle fera la distance avec nous… en VTT ! Va falloir qu’elle appuie un peu la louloute ! Surtout que la vallée de Chevreuse promet quelques belles montées dont la fameuse aux 17 virages !
Et en réalité, elle a assuré grave, toujours dans les 4 premiers en haut de chaque côte : respect !
Pour la petite histoire, Jicé et daniel ont attaqué dans chacune des bosses pour entamer Gaby, afin de le faire amicalement sauter dans la dernière, avec Johan ! Une réponse malicieuse aux échappées de la veille, et une remise à zéro des compteurs, pleine de testostérone imbécile mais pas méchante pour deux sous, et comme seuls les mecs sont capables d’en tirer satisfaction… Qu’est-ce qu’on peut être cons parfois !
Après, et bien après, ce sont des images qui se mélangent : une moto ouvreuse rien que pour nous sur les 20 derniers kilomètres, la vue du panneau de 10 kms avant l’arrivée qui nous rebooste tous et nous fait accélérer le rythme, puis le bonheur des 2 derniers kilomètres où l’on savoure chaque coup de pédale, en se disant « ça y est, on va l’avoir fait », une émotion qui monte par bouffée, quelques larmes peut-être, la ligne qui se rapproche, le speaker qui nous annonce, l’arche qui est franchie, les bises, les bravos et les étreintes de laëtitia, céline, pierre, valérie, marie juste un peu après, d’Alexandra un peu plus tard, une pensée pour Teddy qui nous a précédé mais que l’on rejoint donc à cet instant pour le bonheur de Paul, et pour le bonheur que Paul nous a donné de vivre cette aventure… Enfin pour finir, après les photos devant le splendide vélodrome de saint quentin en yvelines, et le repas pris à l’intérieur, retenir ces mots de Pierre prononcés maintes fois avec un accent de sincérité, et une émotion à peine contenue: « les gars, vous nous avez fait vibrer ! ».